Les Intros de Caro

Qu’est-ce que ‘faire famille’ ?

Qu’est-ce que ‘faire famille’?

Décider de réfléchir sur la famille, c’est accepter de mettre les mains dans la terre : d’observer les racines qui nous fondent, comme les moisissures qui, parfois, nous empêchent de grandir.
C’est regarder le meilleur et le pire. Dans l’amour, l’absence, la toxicité ou la frustration, la famille demeure ce noyau dont nous sommes tous issus.
L’interroger, c’est plonger dans les abîmes de notre généalogie : réfléchir à ce qui nous précède, à ce qui nous survivra, et choisir ce que nous décidons de porter ou d’abandonner.

Comme l’écrit Paul Ricœur dans Temps et récit (1983), nous entrons dans le monde au sein d’un “récit déjà commencé”. Notre histoire familiale est ce tissu d’avant nous, ce cadre dans lequel nous apprenons à nous reconnaître.

Certes, on peut en donner une définition précise d’un point de vue anthropologique ou juridique : la famille comme groupe de personnes liées par la filiation ou l’alliance, un réseau d’obligations, d’interdits, de droits. Une structure sociale où chacun occupe un rôle, un statut. Une définition qui devrait mettre tout le monde d’accord… et pourtant, nous voilà bien avancés 😉

Car aussi éclairante que soit cette définition, touche-t-elle vraiment ce que représente, pour chacun de nous, la famille vécue ?

Claude Lévi-Strauss l’avait déjà remarqué dans Les Structures élémentaires de la parenté (1949) : la famille est presque universelle, mais ses formes sont infiniment variables selon les sociétés. Aujourd’hui plus que jamais, la famille se décline au pluriel : les familles recomposées, choisies, adoptives, monoparentales, homoparentales, élargies ou nucléaires. Toutes témoignent de notre capacité à réinventer sans cesse ce lien fondamental.

De très nombreux travaux sociologiques montrent que les modèles familiaux contemporains ne cessent de se diversifier dont ceux de François de Singly dans Sociologie de la famille (1993) ou d’Irène Théry dans La distinction de sexe (2007). Cela nous oblige à penser la famille non comme un modèle figé, mais comme une création relationnelle, fragile, tenace, mouvante.

Pour certains, c’est un refuge ; pour d’autres, une blessure ; pour d’autres encore, un espace d’ambivalences et d’opacités.

Au-delà de la diversité de ses formes, où commence et où finit la famille ?
Sur quels critères considère-t-on qu’une personne en fait, ou non, partie ?
En quoi “être une famille”, “avoir une famille” et “faire famille” désigne-t-il des réalités différentes ?

Qu’est-ce qui nous lie : le sang ? le devoir ? l’amour ? la reconnaissance ? l’habitude ? la peur ? la vulnérabilité ? la dépendance ? des projets communs ?

La famille est-elle une véritable unité ? Et dans ce cas, de quel type ? Ou bien n’est-elle qu’un agrégat d’individus ? Aristote la pensait comme la première communauté humaine. Dans La Politique (330 av. JC), il l’associe à la notion de ‘maisonnée’ (oikos) et la décrit comme la cellule de base où se jouent l’éducation, la gestion du quotidien, la continuité de la vie et la transmission des rôles et des valeurs.

Quelle qu’en soit la définition que l’on souhaite retenir de la famille, on peut surtout se demander pourquoi il est souvent aussi difficile de “faire avec” que de “faire sans” elle.

Elle apparaît comme :
• l’espace de tous les extrêmes, dans l’amour comme dans la haine,

• le lieu de toutes les tensions, entre émancipation et oppression,
• le carrefour des filiations aussi bien que des affections.

Quoi qu’il en soit, la famille ne se réduit ni à une donnée biologique, ni à une construction juridique : c’est une réalité vivante, façonnée par des gestes, des paroles, des rituels, des silences.

Dans cet atelier, nous prendrons le temps de réfléchir à partir de nos expériences, de nos doutes, de nos héritages. Non pour confesser, mais pour penser. Non pour juger ce qu’est une “bonne” ou une “vraie” famille, mais pour chercher ce que faire famille peut vouloir dire pour chacun de nous, aujourd’hui.

Surtout, écrire sur le “faire famille”, ce n’est pas seulement dire ce qui est : c’est ouvrir la possibilité de ce qui pourrait être.  

Pour entrer dans l’écriture, je vous inviterai à décrire deux petites scènes de la vie ordinaire (10 lignes maximum) qui illustreraient pour vous ce qu’est “faire famille”. Cela peut être extrait d’un film, d’un livre, d’une observation, de votre expérience. Puis, nous poursuivrons notre chemin de réflexion à travers différents petits exercices d’écriture, simples et progressifs, non pour figer la famille, mais pour l’habiter, la questionner, la transformer.

Caroline Boinon

Quand sera programmé ce sujet ?