Les Intros de Caro

A quelles valeurs peut-on encore faire confiance ?

A quelles valeurs peut-on encore faire confiance ?

La polysémie du terme de valeur semble désigner, selon les contextes, les cultures et les usages, tout et son contraire… Cette notion, au contour mal défini, paraît contenir, pêle-mêle, les définitions les plus diverses, même dans les dictionnaires les plus élémentaires.

Ainsi, on parle autant de la valeur d’une marchandise que de celle d’un argument, d’un conseil, d’une œuvre ou d’un témoignage. On utilise couramment ce terme autant pour parler de la valeur sentimentale d’un objet que de celle de X ou Y dans une équation mathématique, ou encore de la valeur d’une note, d’une société ou d’une personne. Bref, la notion de valeur se décline dans des domaines très différents, voire opposés, les uns des autres.

Ainsi, se demander « à quelles valeurs peut-on encore faire confiance ? », dans un cadre philosophique, exige un travail préalable de définition.

Peut-être peut-on commencer par distinguer :

  • ce qui a une valeur (qu’un prix ou une quantité, dans une logique d’échange, peut mesurer plus ou moins précisément),
  • ce qui est une valeur, n’ayant aucun équivalent et ne pouvant être échangé contre rien d’autre, pas même une autre valeur. Echanger la justice contre la liberté ? Ce serait manquer à la justice. Echanger la vérité contre la justice ? Ce serait manquer à la vérité. Dans cette deuxième acception, une valeur désigne une caractéristique éthique ou morale qui vaut en elle-même et pour elle-même. Or, c’est ce sens que nous retiendrons dans le cadre de notre atelier d’écriture.

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Une fois cette précision effectuée, nous pouvons nous demander d’où viennent ces valeurs.  A quoi les identifie-t-on comme étant des valeurs ? Pour être reconnue comme telle, nous explique Spinoza, une valeur doit paradoxalement être l’objet d’un désir. « Nous ne désirons aucune chose, parce que nous la jugeons bonne ; mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne (…) par ce que nous la désirons », Ethique, III, 9, scolie (1677). Relativisme, ici, sans appel : une valeur désignerait donc ce qui est désirable, ni plus ni moins. Ce qui vaut, ce serait donc ce qui plait ou attire, pour un individu ou dans une société donnée. C’est pourquoi la richesse, pour certains, peut avoir plus de valeur que la justice (ou inversement).

Si tel est le cas ; il n’y a donc pas de valeurs absolues.  Et, toutes réflexions à leur sujet invitent à s’interroger sur les caractéristiques de nos désirs propres et sur la légitimité qu’on souhaite leur accorder.

Charge à chacun alors de faire le ménage dans ses désirs personnels afin, non seulement, de leur donner des ordres de priorité et de pondération qui les rendent compatibles et cohérents entre eux ; mais aussi, de pouvoir assumer pleinement les valeurs qui leur sont associées.

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Tous les désirs se valent-ils quand il s’agit de choisir ce qui vaut vraiment ? Mes désirs savent-ils ce qui est bon pour ma santé, mon bien-être et celui de mes proches ? Tout ce qui me semble avoir de la valeur en a-t-il vraiment ? Jusqu’à quel point ? jusqu’à quand ? jusqu’à ce que je change de désirs ?

Si mes valeurs ne sont que les simples objets de mes désirs, comment peuvent-elles continuer à me guider quand mes désirs changent ; ou pire lorsqu’ils sont contradictoires entre eux ?

Autrement dit, à quelles valeurs puis-je faire confiance quand il s’agit d’orienter mes actions, de hiérarchiser mes préférences, de prendre des décisions ?

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La question « à quelles valeurs peut-on encore faire confiance ? » peut, également, être traitée à un autre niveau ; non cette fois sur le plan éthique (qui est le domaine de l’individu face à ses choix) mais sur celui de la morale (qui désigne l’ensemble de devoirs distinguant le Bien et le Mal, considérés comme universels et absolus).  Si vous avez le temps (rien d’obligatoire, bien sûr) de lire la distinction entre éthique et morale, telle que l’a développé André Comte-Sponville ; vous trouverez le document envoyé par mail.

 C’est alors à une échelle collective que cette question peut prendre son ancrage : à quelles valeurs les groupes, les sociétés, les peuples peuvent-ils se fier ?

Face au constat que les guerres sont davantage la règle que l’exception dans l’histoire de l’humanité, face à l’évidence qu’aucune valeur morale n’a jamais entrainé l’adhésion de l’unanimité des humains, doit-on en conclure la relativité généralisée des valeurs et s’interdire leur examen moral ? Et ceci, au risque de devoir assumer une posture nihiliste ?

Comment penser la question de l’universalité de certaines valeurs sans prendre le risque d’une posture de domination non respectueuse de l’immense diversité culturelle dont l’humanité est si riche ? 

 A quelles valeurs les groupes, les sociétés, les peuples peuvent-ils faire suffisamment confiance pour constituer un socle moral commun à toute l’humanité ?

Car, si tout se vaut alors rien ne vaut, nous murmure le bon sens…  A ce propos, permettons-nous de citer un peu longuement André Comte-Sponville « Nul ne sait précisément quand la morale a commencé ; mais cela fait deux ou trois mille ans, selon les différentes régions du globe, que l’essentiel a été dit : par les prêtres égyptiens ou assyriens, par les prophètes hébreux, par les sages hindous, par Zarathoustra en Iran, Lao-Tseu et Confucius en Chine, le Bouddha en Inde, et en Europe par les premiers philosophes grecs (… ) Qui ne voit que leurs messages moraux, par-delà d’innombrables oppositions philosophiques ou théologiques, sont fondamentalement convergents (…) autour d’un certain nombre de valeurs communes  ou voisines, celles qui nous permettent de vivre ensemble sans trop nous nuire ou nous haïr. », extrait de son dictionnaire philosophique à l’article ‘morale’

Les valeurs auxquelles on peut faire confiance seraient-elles alors celles par lesquelles l’humanité devient humaine, au sens normatif du terme (au sens où l’humain est le contraire de l’inhumain), en refusant la veulerie et la barbarie qui ne cessent, ensemble, de la menacer, de l’accompagner, et qui la tentent. Et dans ce cas, quelles sont donc ces valeurs ? Quels en sont leurs noms et leurs principales caractéristiques ? Ensemble, à travers différents exercices d’écriture, simples et progressifs, nous essayerons d’apporter quelques modestes éclairages puisés autant dans nos expériences que de nos réflexions à ces grandes et belles questions.

Caroline BOINON


 

Quand sera programmé ce sujet ?